Sortira, sortira pas?
Quelques mois après le feuilleton du Grexit (Greece exit), l’Union européenne replonge dans les tractations, pour ne pas dire les petits arrangements comme le soulignent presqu’ouvertement ceux que la manœuvre fatigue déjà…
Cette fois, c’est la Grande- Bretagne qui fait battre plus vite le pouls de ses partenaires européens. Le Brexit (Britain exit) a remplacé le Grexit dans les colonnes des journaux, donnant des sueurs froides aux fonctionnaires européens qui voient cette énième crise surgir au plus mauvais moment de l’histoire de l’Union (la Matinale du Monde du 17 février), fragilisée par le problème migratoire, la montée des populismes et la menace terroriste. Et dans de nombreuses capitales européennes, y compris à Bruxelles même, on reproche en filigrane au Premier ministre britannique de plonger l’Europe dans un tourment dont elle se serait bien passée pour répondre à une promesse de campagne, argument que David Cameron avait agité en effet face à la montée, dans son propre pays et dans son propre parti, des opinions eurosceptiques.
Réélu en 2015, Cameron s’est donc empressé de tenir promesse afin d’organiser (ce devrait être le cas vers l’été 2016) un référendum sur le maintien ou non de la Grande-Bretagne au sein de l’Union européenne. Déjà hors du champ de Schengen et de l’union monétaire, Londres s’emploie désormais à négocier de nouvelles dérogations vis-à-vis de ses partenaires afin de se maintenir au sein de l’Europe. Et la pilule est amère.
David Cameron a-t-il mis le doigt dans un engrenage qui le dépasse?
Avant le sommet européen des 18 et 19 février à Bruxelles où un accord pourrait être dessiné, le Premier ministre conservateur a donc pris son bâton de pèlerin pour convaincre ses partenaires de le suivre sur ce terrain que nombre de dirigeants et observateurs jugent toutefois glissant car ouvrant la voie à un mode de fonctionnement inquiétant. François Hollande a réagi en faisant savoir « qu’il ne serait pas acceptable de revoir ce qui fonde les engagements européens ». En résumé, une Europe à la carte est-elle envisageable?
Il n’empêche. Londres avance ses pions entendant faire valoir ses droits sur sa souveraineté en demandant la possibilité de se désolidariser d’une marche (forcée?) vers une Europe plus intégrée (« an ever closer Union ») et en limitant les aides sociales pour les ressortissants de l’UE travaillant au Royaume-Uni. Dans la même veine, le Royaume-Uni souhaite que Bruxelles allège certaines normes pesant sur les entreprises.
Dans un contexte économique européen anxiogène, les Britanniques semblent aujourd’hui plus enclins à se replier sur eux-mêmes et les sondages d’intention indiquent désormais une nette tendance à la sortie, scénario qui, s’il devait se concrétiser dans les urnes, pourrait porter un coup fatal à l’idéal européen tel que nous l’avions rêvé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
David Cameron a-t-il mis le doigt dans un engrenage qui le dépasse? Mardi 16 février, sortant de son devoir de réserve, le Prince William, futur hériter du trône, lui a prêté main forte en plaidant à mots couverts mais bien compréhensibles, dans un discours au Foreign Office, pour un maintien du royaume au sein de l’Union. Sa crainte? une perte d’influence britannique sur la scène internationale et la probabilité que l’Ecosse, farouchement pro-européenne, ne saisisse l’occasion d’un Brexit pour organiser un nouveau référendum sur son indépendance. Et dans ces conditions, le « oui » alors, pourrait très bien l’emporter.

